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Porte-greffes et francs de pied, enjeux et choix en viticulture

La viticulture moderne repose sur un équilibre entre tradition et innovation. Parmi les choix fondamentaux qui influencent la qualité et la résistance d’un vignoble, la question des porte-greffes et des francs de pied occupe une place centrale. L’utilisation des porte-greffes s’est généralisée en Europe à la fin du XIXe siècle, après la crise du phylloxéra. Ce puceron ravageur, introduit accidentellement depuis l’Amérique, a décimé les vignobles européens. La solution adoptée fut le greffage des cépages européens (Vitis vinifera) sur des racines de vignes américaines, naturellement résistantes au phylloxéra.
Aujourd’hui, les porte-greffes ne se contentent plus de protéger contre ce parasite. Ils influencent également la vigueur de la vigne, son adaptation aux conditions pédoclimatiques et sa résistance aux stress hydriques. Différentes variétés de porte-greffes existent, adaptées aux divers terroirs et objectifs viticoles. Parmi les plus courants, on retrouve le SO4, le 110R ou encore le 41B, chacun ayant des caractéristiques spécifiques en termes de résistance aux maladies, tolérance au calcaire et régulation de la vigueur.
Contrairement aux vignes greffées, les vignes en franc de pied sont plantées directement sur leurs propres racines, sans porte-greffe. Si cette pratique était la norme avant le phylloxéra, elle demeure aujourd’hui marginale, bien que certains vignerons tentent de la réhabiliter.
Les raisons de cet engouement sont multiples : les francs de pied offrent souvent une expression plus pure du terroir, avec des arômes plus fins et une structure de vin différente. Certains domaines, notamment en Champagne ou dans le Jura, expérimentent cette technique sur de petites parcelles, en espérant retrouver des caractéristiques gustatives oubliées.
Cependant, les risques demeurent élevés. En dehors des rares sols naturellement résistants au phylloxéra (comme les sables ou certaines îles), les vignes en francs de pied sont très vulnérables à ce parasite. Tous les types de sols ne permettent pas de cultiver en franc de pied. Leur durée de vie peut s’avérer plus courte et leur gestion plus délicate, ce qui limite leur extension à grande échelle.
Si les porte-greffes restent indispensables pour la viticulture moderne, la recherche agronomique explore des solutions alternatives. Certains scientifiques travaillent sur des hybrides plus résistants ou sur des méthodes culturales permettant de limiter l’impact du phylloxéra.
Le choix entre porte-greffe et franc de pied dépend ainsi de nombreux facteurs : terroir, objectif qualitatif, risque sanitaire et vision du vigneron. Entre nécessité de protection et quête d’authenticité, la viticulture continue d’explorer des voies pour concilier tradition et innovation.