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Bordeaux en Primeurs 2022 : Résumé du millésime

Bordeaux en Primeurs 2022 : Résumé du millésime

A l’aube des premières mises en marché qui sonnent le lancement de la campagne primeurs 2022, beaucoup s’interrogent sur ce millésime hors du commun.

 

L’année passée fût rythmée par des conditions météorologiques intenses. Toutefois, que d’aucuns mettent ce résultat sur le compte du hasard ou sur le grand savoir-faire des vignerons bordelais, ce cocktail météorologique a façonné un millésime qui promet d’être exceptionnel.

 
Les conditions météorologiques

Si l’automne 2021 est froid et sec, le début de l’hiver est marqué par un mois de décembre doux et humide. Ce mois voit un excédent de pluie de 54 mm par rapport à la moyenne. La tendance s’inverse rapidement sur les mois de janvier et février, particulièrement secs et ensoleillés. Toutefois, les températures oscillent entre épisodes printaniers et périodes de gel sur ces deux premiers mois de l’année 2022.Cette variation donne lieu à une moyenne de température proche de la normale pour la saison. Le mois de mars marque la fin de l’hiver, les nombreuses précipitations annoncent le début du printemps. Sous un ciel couvert la première moitié du mois, les températures restent légèrement supérieures aux moyennes de saison, le retour du soleil à partir du 20 mars amène quelques gelées. La pluie reste rare sur le mois de mars, dans ces conditions, l’hiver 2021/2022 reste en-dessous des normes en termes de pluviométrie.

Avec ces éléments, le débourrement, qui marque le réveil végétatif de la vigne et la fin du repos hivernal (les bourgeons commencent à sortir de leur coquille, la bourre, et les premières feuilles apparaissent), n’est pas prématuré. Si il a lieu localement dès la fin mars, les premières feuilles n’apparaissent pas avant les premiers jours du mois d’avril sur la plupart des parcelles du vignoble bordelais.

Avril débute par des gelées, un épisode de gel entre le 2 et le 5 avril, ainsi qu’une gelée dans la nuit du 10 ralentissent localement la croissance des vignes. Les dégâts sont difficiles à estimer, ils sont  fluctuants car ils dépendent du niveau de développement de la vigne et des stratégies antigel mises en place par les domaines.

Le mois de mai annonce le début d’un été très précoce, la chaleur s’installe dès le 8 mai, et ce jusqu’au 22, avec des températures pouvant dépasser les 30°C. Le mois de mai 2022 fut le plus chaud depuis 1950, rappelant à tous la réalité du changement climatique et la nécessité pour la filière viticole de s’y adapter. La chaleur génère des orages, parfois accompagnés de grêles, mais celles-ci sont localisées, tout comme les dégâts qu’elles ont pu occasionnés. Avec si peu de précipitations, le déficit hydrique s’installe, la pluie s’est faite deux à trois fois plus rare que sur un mois de mai normal. Ce printemps caniculaire, c’est le paramètre qui diffère des précédents millésimes chauds observés à Bordeaux : 2018, 2019 et 2020.

Cette association climatique favorise le développement de la vigne qui croît rapidement laissant entrevoir le caractère précoce du millésime.

 

Le mois de juin est particulièrement chaud et voit s’installer un épisode caniculaire après la première quinzaine. Ce dernier est suivi de fortes pluies, les premières depuis plusieurs mois. Si la grêle tombe localement, la pluie est la bienvenue dans la vaste majorité du vignoble. La chaleur et l’apport en eau bénéficient à la vigne qui se développe de manière remarquable, les baies apparaissent et le stade fermeture de grappe est observé avant la fin du mois pour les parcelles les plus précoces. Le mois de juillet n’est pas épargné par la chaleur et un deuxième épisode caniculaire, aux températures très élevées, s’installe.

L’absence de pluies et des températures dépassant parfois les 35°C marque un ralentissement dans la croissance des baies. On remarque alors les premiers signes de stress hydrique, conséquence des conditions météorologiques des mois précédents, sur les parcelles situées sur des sols retenant mal les eaux (sols drainants comme les sols sableux ou calcaires). Le stress hydrique constitue la réaction de la vigne face au manque d’eau : il peut altérer la coloration du raisin et entrainer une défoliation naturelle (les feuilles les plus exposées au soleil tombent prématurément). Les parcelles plantées sur des sols moins drainants, conservant mieux l’eau, bénéficient des pluies tombées en juin, conservées dans le sol. La croissance des baies s’achève ici, on observera de petites baies lors de la récolte quelques semaines plus tard. On note les premiers signes d’échaudage, décrits précédemment, les feuilles le plus exposées au soleil s’abîment, entrainant le risque de voir les baies flétrirent. Dans ces conditions, c’est la maitrise des vignerons qui sera récompensée : un effeuillage (fait de clairsemer les feuilles de vignes plus tôt dans l’année) limité aura permis de conserver suffisamment de feuilles pour protéger le fruits des rayons du soleil en été.

La croissance de la vigne s’arrête donc avant la véraison. Ce processus est celui de la maturation du fruit : le raisin gonfle et change de couleur sous l’effet de l'accumulation de sucres. La véraison s’achève majoritairement mi-août, à cette époque, les températures redescendent vers des normales de saison.  

Les raisins blancs

Le climat chaud et sec s’installe tout au long du mois et s’attarde sur le mois de septembre. Sans humidité, il n’y a pas de risque sanitaire (de pourriture notamment) pour la vigne, aussi, les dates de vendanges peuvent être choisies sereinement, sans autre préoccupation que la qualité gustative du fruit. Le Sauvignon sont récoltés dès le début du mois d’août, une conséquence claire des conditions climatiques tout au long de l’année. Etonnamment, si les raisins présentent un taux d’acidité bas, ils conservent une bonne teneur en sucres et des arômes intéressants.  

Les Sémillons sont également récoltés avec précocité, dès la mi-août. Ils sont sucrés et présentent de beaux arômes aux notes d’abricots et de fruits à chair blanche.

Les raisins rouges

Début septembre, les Merlots présentent une teneur en acidité particulièrement basse et une forte concentration de sucres. Dès la première semaine de septembre, les premières grappes sont récoltés dans des conditions idylliques.

Les Cabernet Sauvignon, récoltés de la mi-septembre à la mi-octobre, finissent leur maturité dans des conditions parfaites. Aux vendanges, ils présentent, comme les Merlots, un taux d’acidité très bas ainsi que des arômes fruités complexes et prometteurs.

A la fin de l’été 2022, les conditions météorologiques idéales ont permis aux vignerons de déterminer leurs dates de récoltes en se basant uniquement sur les qualités techniques et gustatives du raisin, l’état de santé des fruits n’étant pas un sujet d’inquiétudes.

Les raisins des liquoreux

A  l’inverse, les producteurs de vins liquoreux ont du faire preuve de patience et d’une certaine foi en l’avenir alors que leurs nerfs étaient durement éprouvés. Si les raisins destinés aux vins liquoreux sont en parfaite santé à la fin du mois d’août, l’inquiétude s’installe en septembre alors que le beau temps perdure. Un temps sec ne permet pas l’apparition du Botrytis cinerea, la pourriture noble, essentielle à la production de ce type de vins. L’humidité revient à la fin du mois de septembre, permettant un développement rapide et homogène de la Botrytis sur la vigne. Toutefois, cette humidité n’est pas favorable à la concentration des raisins, dans ce contexte, la crainte de perdre la récolte s’insinue dans les esprits. Face à ce risque, les stratégies divergent. Certains font le choix de vendanger début octobre alors que les fruits ne sont pas encore parfaits, mais les plus hardis prennent le risque d’attendre des conditions plus favorables. Le dicton est bien connu : « la chance sourit aux audacieux »,à la mi-octobre les températures remontent et un vent providentiel permet une concentration rapide et homogène des baies. Les raisins sont parfaits, emplis de pureté, avec peu d’acidité et présentant une sucrosité record.  

 

In fine, le résultat agronomique de ce millésime est sans appel : des baies petites et merveilleuses, des tanins murs, des acidités préservées et des fruits éclatants...l’apanage de grands vins. Le succès du millésime 2022 nous apporte quelques enseignements. Le savoir-faire des vignerons accumulé depuis 3 millésimes chauds a permis de tirer le meilleur de conditions difficiles : une effeuillage limité et un entretien des sols permettant la préservation de l’eau ont été décisifs. Le changement climatique est une réalité à laquelle les vignerons doivent s’adapter dès aujourd’hui, siles millésimes chauds forgent de grands vins, la recherche de la fraicheur tend à devenir l’objectif des prochaines années.

Les vins

Une année d’exception donc, les vins rouges présentent une sucrosité exceptionnelle, qui apporte moelleux et puissance en milieu de bouche et des tanins de qualité qui garantissent une finale profonde . L’attaque sera soyeuse et veloutée, de quoi ravir les palais les plus fins. Au nez, les fruits noirs se démarquent, sur les deux rives !

Rive gauche

Les Saint-Estèphe sont lumineux ... : "L'année 2022 nous a offert un scénario climatique proche des extrêmes qui a mis en lumière et fait ressortir toute la force et la résilience du terroir de Montrose. Grâce et concentration atteignent ici un niveau inégalé grâce à sa croupe courant vers le fleuve et à ses argiles profondes qui permettent de tempérer les excès. Cette alliance singulière donne naissance à un millésime historique qui marie tension et équilibre. Toute la force solaire est ici canalisée, sublimée et retranscrite harmonieusement. Montrose 2022 brille, mais n'éblouit pas." - Pierre Gaffeuille, Directeur général Château Montrose, Saint-Estèphe. 

...Mais ils restent frais : "Le millésime 2022 se caractérise par des baies de raisin très petites alliant une grande richesse en tannins et en anthocyanes et préservant une grande fraîcheur grâce aux argiles du terroir" - Château Calon-Ségur, Saint-Estèphe.

Les merlot ont une structure incroyable : « Le millésime 2022 entre dans le cercle très fermé des millésimes extraordinaires dans tous les sens du terme. La profondeur d’une robe presque noire, ses reflets violacés envoûtants nous plongent instantanément dans l’ambiance du millésime ». – Fabrice Bacquey, Maître de Chai du château Phélan Ségur, Saint Estèphe.

Les Saint Julien sont homogènes, élégants et raffinés : « Riche, généreux, aux tanins très soyeux et à l’équilibre parfait entre richesse et fraîcheur » - Château Beychevelle, Saint-Julien.

« Reflet chromatique d’une nature résiliente. Mille nuances d’un fruit ensoleillé et complexe. Les cabernet-sauvignons sont exceptionnels » - Château Rauzan-Ségla, Margaux.

Rive droite

« Les vins, d’une robe grenat profond, dévoilent un nez intense de fruits rouges et noirs, la bouche est équilibrée, les tanins sont doux et lisses avec beaucoup de goût » -Edouard Moueix, sur les vins de Pomerol.

« A la robe pourpre, s’ajoute une complexité aromatique doublée d’une grande intensité. La structure est serrée. Belle longueur minérale. » - Edouard Moueix, sur les vins de Saint-Emilion.

 

Bien que les températures élevées et la sécheresse aient entrainé des niveaux d’acidité faibles et une forte teneur en sucres, les pluies du mois de juin ont permis aux raisins blancs de développer des arômes riches et complexes de fruits jaunes et de fleurs blanches.

2022 est une année pour les grands vins liquoreux, la patience des vignerons a été récompensée et les vins produits sont exceptionnels. La pureté et la richesse des raisins a formé des vins avec du caractère, de l’équilibre et de la profondeur, de grands vins !

 

Si ces conditions météorologiques ont contribué à l’élaboration d’un millésime de premier choix, elles ont aussi mené à de faibles rendements, les faits sont là : le millésime 2022 serale luxe de quelques chanceux. 

 

Retrouvez les vins primeurs de la Sélection Legrand sur notre site, à la page "Vins Primeurs".